Un soir d'octobre, les ondines et les sirènes
m'avaient donné rendez-vous à l'étang de Saint-Mâlo de
Beignon, afin d'y être tranquilles. A l'étang bleu, les humains
avaient organisés un spectacle de chevaliers et nous avions ressenti
que Viviane avait besoin d'un peu de repos après les festivités de
ce week-end. De plus nous avions su que Dame Enora, serait près de
cet étang afin d'y raconter ses histoires.
Nous nous sommes confortablement
installées, les unes sur les feuilles des nymphéas, les autres sur
la rive, mais toujours bien cachée du regard des humains et nous
avons profité des contes de Dame Enora. Lorsque celle-ci a laissé
ses fans s'enfermer et se blottir dans leurs lits, certains ne sont
plus très rassurés après avoir écouté ses narrations. Ce qui
nous a permis de prendre possession de l'étang et d'y faire les
« folles » au risque de provoquer , une catastrophe
naturelle comme il est dit dans votre monde. Certain vous diront que
cette nuit là, il y a eu de l'orage.
Puis nous nous sommes reposées sur une
des rives où se trouvait une « auberge » qui avait pour
nom « Le Cap Vert ». Si je n'avais pas eu cette idée, de
mettre le Belem dans le sillage du Poséidon pour une destination
inconnue, j'aurais hissé les amarres pour atteindre cet archipel. Je
n'étais pas la seule à rêver d'aventures. Pisinoé, tout en
donnant de grand coup de queue pour éloigner les moustiques
s'exclame : Au lever du jour, je prends la route pour le Cap Vert,
qui se joint à moi ? Hormis, les plus jeunes, dont l'âge ne pouvait
leur permettre de faire un tel voyage, elles ont toutes dit « moi ».
Puis, j'ai senti des regards en point
d'interrogation, car je n'avais pas donné de réponse. A force de
vivre parmi vous, j'en oublie que je suis l'une d'elles et que je
n'ai besoin, ni d'oiseau de fer, ni de navires pour voyager, qu'il me
suffit d'enfiler ma peau de phoque et d'atteindre les grands fonds.
Durant, une semaine, nous avons pu
admirer de magnifiques paysages et faire la connaissance des
habitants des fonds marin de ce pays. Mes compagnons de voyage
étaient ravis. Mais au fond de moi, il y avait une certaine
mélancolie, de ne pouvoir partir à la découverte de cette terre de
métissage raciale et culturelle d'une grande richesse. Mes cousines
ne comprenaient pas, elles ont peur des humains. J'ai la chance
d'avoir une marraine, qui est toujours là, prête à intervenir,
lorsque j'ai besoin d'elle. Elle m'invite à la suivre, dans une
petite crique, dans une sorte de grotte, m'attende des vêtements
et ma peau y sera bien cachée.
Première chose à faire, dans un lieu
inconnu, trouver l'office du tourisme où quelque chose qui s'y
apparente, pour trouver la randonnée idéale, qui me permettra
d'aller à la rencontre de la population de la faune et la flore
locale. Puis se procurer, le matériel minimum comme un sac à dos,
de la crème solaire, une casquette, des lunettes de soleil, un
vêtement de pluie,de l'eau. Me voilà parée pour rejoindre mes
nouveaux compagnons de voyage, et notre guide, qui est plutôt bel
homme.
Après deux jours d'escapades, j'ai
remercié mon guide et je suis repartie la tête plein de merveilleux
souvenirs, vers la crique. Mais avant de rejoindre les fonds marins,
j'ai voulu profiter encore quelques instants de ce bonheur terrestre,
les pieds dans l'eau. Au bout de cinq minutes, je n'y étais plus
seule. Il n'a pas fallu, plus de temps à mon beau guide, pour
laisser son costume de professionnel et enfiler un maillot de bain,
pour faire un plongeon. Il s'est assis près de moi, en me demandant
si mon hôtel était loin, en me précisant qu'un maillot de bain
était plus adapté, pour apprécier une baignade. Il se proposait de
m'y accompagner, afin que nous puissions profiter ensemble des
bienfaits de l'eau.
Comment lui dire que mes hôtes vivent
au fond de l'eau ? Dans ces moments là, il est beaucoup plus simple
d'être moussaillonne sur un trois-mâts, que de voyager avec des
ondines, décidément ce bateau me manque. A cet instant, un doux son
atteint mes oreilles, celui d'une corne de brume, mon regard se
dirige vers une magnifique goélette, avec pavillon français, au
doux nom de : "La rosée du matin". Mon visage a dû s'éclairer
d'un de mes plus sourires, auquel, il n'a pas hésité de répondre.
Je lui ai pris la main, et nous avons embarqué afin d'être seuls au milieu de l'océan.
Après nos jeux aquatiques, nous avons
confiés nos corps fatigués au soleil. Bercés par le
clapotis, nous nous sommes reposés sur le pont. Avec la complicité
de la houle, qui faisait légèrement tanguer la goélette, je me
suis retrouvée tout contre lui. Le contact de sa peau sur la mienne,
son odeur mélangée avec celle des embruns, il n'en fallait pas plus
pour réveillé ces petits papillons qui sommeillent dans chacun
d'entre nous et qui ne demandent qu'à faire battre leurs petites
ailes. Une envie irrésistible m'a pris d'avoir ce petit goût salé,
que lui avait laissé l'eau de l'océan, sur le bout de mes lèvres.
Il a ouvert les yeux, en souriant, m'a attiré encore plus près de
lui. Ainsi, j'ai pu à ma guise, déguster une délicieuse glace à
la vanille avec un discret parfum de caramel salé.
La rosée du matin en rouge et noire.